Identification et classification des bambous
Posté : 15 août 2018, 00:39
Bonjour à tous,
Je ne publie pas souvent car j’ai beaucoup bougé ces dernières années. Me voilà à nouveau propriétaire en France avec un terrain d’un peu moins de 1000m2 et donc plus obnubilé par les bambous que jamais. En guise de retour voici le fruit de ma réflexion concernant l’identification et la classification des bambous tempérés. Je précise que je suis chercheur au CNRS en biologie mais en aucun cas spécialiste de la question donc c’est juste pour discuter avec les personnes que ça intéresse.
Tout d’abord, je vois souvent des remarques sur l’identification de tel ou tel bambous d’après différents experts (deux en majorité). Ils font sans aucun doute un travail très utile mais qui me parait très imprécis. Un exemple concret, le Fargesia dracocephala, si on lit la description de la plante disponible sur Flora of China, celle-ci se base sur les travaux de T. P. Yi (omniprésent concernant de nombreux bambous tempérés) publiés en 1985. On peut y trouver la distribution (S Gansu, W Hubei, S Shaanxi, N Sichuan, ce qui est très vaste), la taille des nœuds de rhizome (8 à 12cm), la taille des chaumes (3 à 5 m), leur diamètre, la taille des feuilles… et j’en passe. Dans ce cas précis, il y a également des informations sur les épillets, ce qui est assez rare pour les 90 espèces de Fargesia décrites. Pourquoi je vous dis ça, car lorsque l’on cultive des bambous, nous savons tous que même une plante issue d’un pied mère cultivé dans un terrain riche et abrité, sera différente d’une plante issue du même pied mère, cultivée en plein vent. En d’autre terme, des plantes qui possèdent en théorie le même matériel génétique les unes des autres pourront avoir une morphologie ou des couleurs différentes en fonction des conditions de culture. Si on imagine toutes les condition climatiques et terrains que l’on peut trouver en Chine ou ailleurs, il me parait difficile de s’y retrouver uniquement avec ces caractères morphologiques.
Maintenant, on peut ajouter la variabilité génétique. Dans la nature, a fortiori pour les espèces non traçantes, comme les Fargesia, sur des km2, il y a peu de chance de trouver le même clone qui a été fragmenté par des herbivores ou l’homme. Il y a de fortes chances, par contre, d’avoir des frères et des sœurs issues de graines indépendantes qui ont germées, çà et là, emportées par le vent, la pluie ou les oiseaux…
Lorsque l’on regarde tous les Fargesia nitida que l’on peut trouver chez les pépinières spécialisées ou encore les 7 formes de Fargesia demissa que Jos van der Palen a importées. On peut constater une certaine variabilité dans les couleurs et formes des chaumes, feuilles… au sein d’une même espèce.
Cependant, je ne suis pas en train de dire l’on nous ment et qu’il n’existe pas 90 espèces de Fargesia. Car contrairement à de nombreuses plantes, le bambou fleuri peu souvent (surtout les tempérés). Ce qui veut dire que si l’on compare avec un simple pissenlit, qui fleuri tous les ans, plusieurs fois par an, avec des graines capables de voler. Le Fargesia colonise très lentement de grand territoire contrairement au pissenlit qui peut coloniser rapidement de nouveaux terrains et grâce au brassage génétique, s’adapter génération après génération à de nouveaux territoires (biotopes). Je suppose donc que le bambou peut se retrouver isolé génétiquement du fait de ces floraisons rares et en se « propageant » lentement dans différents biotopes, ce qui est propice au phénomène de spéciation : l’apparition de nouvelles espèces.
Bref, le bambou est vraiment une plante à part comme en témoigne différents travaux récents qui essaient de s’appuyer sur la génétique pour y voir plus clair, mais ça c’est une autre histoire car c’est déjà long à lire .
Que pensez-vous de l’identification/classification de nos protégés ?
Cyrio
Je ne publie pas souvent car j’ai beaucoup bougé ces dernières années. Me voilà à nouveau propriétaire en France avec un terrain d’un peu moins de 1000m2 et donc plus obnubilé par les bambous que jamais. En guise de retour voici le fruit de ma réflexion concernant l’identification et la classification des bambous tempérés. Je précise que je suis chercheur au CNRS en biologie mais en aucun cas spécialiste de la question donc c’est juste pour discuter avec les personnes que ça intéresse.
Tout d’abord, je vois souvent des remarques sur l’identification de tel ou tel bambous d’après différents experts (deux en majorité). Ils font sans aucun doute un travail très utile mais qui me parait très imprécis. Un exemple concret, le Fargesia dracocephala, si on lit la description de la plante disponible sur Flora of China, celle-ci se base sur les travaux de T. P. Yi (omniprésent concernant de nombreux bambous tempérés) publiés en 1985. On peut y trouver la distribution (S Gansu, W Hubei, S Shaanxi, N Sichuan, ce qui est très vaste), la taille des nœuds de rhizome (8 à 12cm), la taille des chaumes (3 à 5 m), leur diamètre, la taille des feuilles… et j’en passe. Dans ce cas précis, il y a également des informations sur les épillets, ce qui est assez rare pour les 90 espèces de Fargesia décrites. Pourquoi je vous dis ça, car lorsque l’on cultive des bambous, nous savons tous que même une plante issue d’un pied mère cultivé dans un terrain riche et abrité, sera différente d’une plante issue du même pied mère, cultivée en plein vent. En d’autre terme, des plantes qui possèdent en théorie le même matériel génétique les unes des autres pourront avoir une morphologie ou des couleurs différentes en fonction des conditions de culture. Si on imagine toutes les condition climatiques et terrains que l’on peut trouver en Chine ou ailleurs, il me parait difficile de s’y retrouver uniquement avec ces caractères morphologiques.
Maintenant, on peut ajouter la variabilité génétique. Dans la nature, a fortiori pour les espèces non traçantes, comme les Fargesia, sur des km2, il y a peu de chance de trouver le même clone qui a été fragmenté par des herbivores ou l’homme. Il y a de fortes chances, par contre, d’avoir des frères et des sœurs issues de graines indépendantes qui ont germées, çà et là, emportées par le vent, la pluie ou les oiseaux…
Lorsque l’on regarde tous les Fargesia nitida que l’on peut trouver chez les pépinières spécialisées ou encore les 7 formes de Fargesia demissa que Jos van der Palen a importées. On peut constater une certaine variabilité dans les couleurs et formes des chaumes, feuilles… au sein d’une même espèce.
Cependant, je ne suis pas en train de dire l’on nous ment et qu’il n’existe pas 90 espèces de Fargesia. Car contrairement à de nombreuses plantes, le bambou fleuri peu souvent (surtout les tempérés). Ce qui veut dire que si l’on compare avec un simple pissenlit, qui fleuri tous les ans, plusieurs fois par an, avec des graines capables de voler. Le Fargesia colonise très lentement de grand territoire contrairement au pissenlit qui peut coloniser rapidement de nouveaux terrains et grâce au brassage génétique, s’adapter génération après génération à de nouveaux territoires (biotopes). Je suppose donc que le bambou peut se retrouver isolé génétiquement du fait de ces floraisons rares et en se « propageant » lentement dans différents biotopes, ce qui est propice au phénomène de spéciation : l’apparition de nouvelles espèces.
Bref, le bambou est vraiment une plante à part comme en témoigne différents travaux récents qui essaient de s’appuyer sur la génétique pour y voir plus clair, mais ça c’est une autre histoire car c’est déjà long à lire .
Que pensez-vous de l’identification/classification de nos protégés ?
Cyrio